Partager Sur

Rabiatou Serah Diallo

Présidente du Conseil national de transition, République de Guinée
 biographie

Excellences,
Frères et Sœurs en Dieu,
Mesdames et Messieurs,

Louange et gloire à Dieu, Seigneur et Créateur de l’Univers.

Que la grâce et la paix soient données de la part de Dieu à tous ceux et toutes celles qui en tout lieu et en tout temps œuvrent pour le triomphe de la foi dans l’amour, la compréhension et l’acceptation mutuelle.

Notre frère en Dieu Professeur Marco IMPAGLIAZZO de la Communauté Sant’ Egidio a honoré notre pays, la République de Guinée, en l’invitant à travers le Conseil National de la Transition (CNT), à cette importante rencontre internationale qui regroupe d’éminentes personnalités du monde religieux et culturel.

Le Conseil National de la Transition, un des organes clés du processus de transition amorcé dans mon pays par la signature de l’Accord de Ouagadougou, le 15 janvier 2010, est constitué de 159 membres représentant tous les secteurs d’activités de la Nation et jouant le rôle d’Assemblée Parlementaire. C’est donc un microcosme de la Guinée tant sur le plan de la culture que de la religion. Sa mission essentielle est d’aider à la sortie de crise institutionnelle, politique, sociale, économique, dans laquelle notre pays vit depuis le 23 décembre 2009 par la prise du pouvoir par l’Armée.

Cette auguste Assemblée, véritable creuset du donner et du recevoir, est ici réunie dans cette belle ville de Barcelone dans le cadre des échanges périodiques instituées par la Communauté Sant’ Egidio après la rencontre d’Assises, convoquée à l’initiative du Pape Jean Paul II en 1986. Elle regroupe des représentants du monde religieux et culturel, autour du thème « Prières pour la Paix et Dialogue ». Ce thème d’actualité interpelle bon nombre de nations, dont la notre sinon toutes, vivant au quotidien le multiculturalisme, la pluralité des croyances religieuses et dont les populations sont constituées d’une mosaïque de communautés ethniques et raciales qui œuvrent toutes pour l’avènement d’un monde exempte  de violence, où reconnaissance, respect et acceptation de l’autre, sont des valeurs cardinales, bref, un monde meilleur, selon le dessein de Dieu.

Du haut de cette tribune, je voudrais attester de la présence aux côtés de la Guinée de la Communauté Sant’ Egidio et de la qualité du partenariat existant entre le Conseil National de la Transition et cette Communauté, spécialement depuis la crise institutionnelle du 23 décembre 2008.

Avec mon pays la Communauté Sant’ Egidio travaille pour la prévention des conflits et la restauration de la paix. Dans ce cadre son siège à Rome a dans un premier temps accueilli en mai 2010 une délégation constituée de représentants de la Commission Réconciliation Nationale, Solidarité et Droits de l’Homme du CNT, des alliances des partis politiques, des associations de victimes d’exactions politiques, pour discuter et s’accorder sur un projet d’accord, cadre de concertation, de suivi et d’accompagnement du processus de transition en Guinée, dit "Accord Politique Global".

Cet accord a été paraphé en même temps qu’un document intitulé "Appel de Rome pour la Paix", dans la salle historique où a été signé l’accord de paix mettant fin à la guerre au Mozambique.

Enfin, à l’issue d’une visite de travail effectuée à Rome par une délégation conduite par la Présidente du CNT, un accord de partenariat a été conclu entre les deux parties pour soutenir et accompagner le CNT dans sa mission.

Excellences,
Mesdames et Messieurs,
Chers Frères et Sœurs,

Permettez-moi à présent de vous présenter à grands traits, mais très brièvement l’état des lieux dans mon pays en ce qui concerne les relations interreligieuses et interculturelles.

Mon pays a opté pour un régime laïc. Sa population est d’un peu plus de 10.000.000. Trois religions y sont pratiquées :
- l’Islam : 85% de la population
- le Christianisme : 10 à 12%
- les religions traditionnelles : 3 à 5%.

Toutes cohabitent de façon pacifique dans une reconnaissance mutuelle et le respect de l’autre, en mettant en avant leurs valeurs de convergences, tout en n’ignorant pas leurs différences.

Tout au long des siècles passés, par le brassage interracial, interethnique et interculturel, la Guinée est devenue une Famille.

Les cinquante dernières années de notre pays ont été des années tumultueuses au cours desquelles il est clairement apparu aux leaders religieux que citation : « fasse aux périls du temps les croyants des diverses religions  ne peuvent plus s’offrir le risque mortel de se dresser les uns contre les autres en de vaines polémiques, en de vaines querelles. Le temps n’est plus aux conversions systématiques de la part de l’un ou de l’autre, mais à la convergence ».

Nos leaders religieux ont compris qu’il faut mettre l’accent non sur ce qui les sépare mais sur ce que leurs religions ont en commun, dans le respect de l’identité de chacun. Ils ont compris que la rencontre et l’écoute de l’autre est plus enrichissante même pour sa propre voie et l’épanouissement de sa propre identité.

Depuis 2004, les leaders religieux musulmans et chrétiens collaborent étroitement au sein d’un Conseil Interreligieux, membre du Conseil mondial des religions pour la paix, cadre de concertation inclusif pour faire face aux grands défis auxquels le pays est confronté : crise sociale, institutionnelle et économique.

Ainsi ce Conseil interreligieux s’est profondément investi depuis 2006, pour amener, dans le cadre d’une médiation, différents protagonistes au dialogue et à la concertation en vue de trouver des solutions consensuelles aux problèmes récurrents liés à la gouvernance, à la pauvreté, au désœuvrement de la jeunesse et à la dégradation de la situation économique. 

Il a également joué un rôle important pour réduire la fracture sociale résultant des tensions interethniques qui secouent de temps en temps le pays.

Tirant les leçons des douloureux évènements 2006, 2007 et 2009, qui ont causé d’énormes souffrances, des grandes pertes en vies humaines et d’importants dégâts matériels, le Conseil Interreligieux s’est allié aux  quatre coordinations régionales, regroupant les Sages, dépositaires des traditions ancestrales et culturelles pour constituer le Comité Guinéen de Prévention et de Résolution des Conflits.

Il y a lieu de mentionner que pour consolider la cohabitation et la coopération interreligieuse, et en reconnaissance du rôle joué par les religieux, les pouvoirs publics ont intégré depuis 2007, au Gouvernement, un Secrétariat d’Etat chargé des Affaires Religieuses.

Par ailleurs, de nombreuses Associations religieuses d’hommes, de femmes et des jeunes, ont à leur tour mis en place des cadres de concertation destinés à la prévention des conflits et à la sensibilisation des populations.

Excellences,
Mesdames et Messieurs,
Chers Frères et Sœurs,

La présente rencontre de Barcelone est pour nous Guinéens une occasion d’apprendre et de tirer profit de l’immense expérience des personnalités d’autres pays, vivant dans des contextes différents en vue de nourrir et d’approfondir notre propre réflexion dans la recherche de la paix par le dialogue et la concertation, ce dans l’acceptation des différences religieuses, ethniques, politiques et culturelles.

Pour finir, je voudrais lancer du haut de cette tribune un appel pressant, en ma qualité de représentante d’un pays du Sud, à mes frères et sœurs du Nord, leur demandant de continuer à contribuer à l’éveil des consciences de leurs peuples afin que ceux-ci contribuent à combler le fossé de la pauvreté, de l’injustice social, et de s’investir dans la lutte contre la prolifération des armes légères et de petites calibres, les conflits armées, les maladies et l’ignorance, source potentielle de menace pour la paix dans le monde.

Toutes les religions proclament et reconnaissent que Dieu est Amour et Paix. Prions donc, chacun selon son propre rite, et tous ensembles agissons pour l’instauration de cette paix et de cet Amour. Tous unis nous devons contribuer à la mise en place de mécanismes régionaux et locaux destinés à relayer et à propager nos idéaux et nos aspirations de paix, de tolérance, de respect, et de cohabitation.

Je vous remercie pour votre attention.