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Andrea Riccardi

Historien, fondateur de la Communauté de Sant’Egidio
 biographie

 Illustres représentants des Eglises chrétiennes et des grandes religions mondiales,

Nous avons échangé ces jours-ci des pensées, des préoccupations, des rêves et des propositions. Avec les leaders religieux, que je remercie, beaucoup de Catalans et d’amis venus de différentes parties d’Europe, y ont contribué par leurs questions et par leur présence constructive. Beaucoup d’amis de la Communauté de Sant’Egidio ont travaillé bénévolement et avec passion à la réalisation de ces journées. Tout comme l’archidiocèse de Barcelone et le cardinal Sistach qui ont fait preuve d’une grande hospitalité, ainsi que les autres évêques de Catalogne qui se sont unis à lui. Je n’oublie pas non plus les généreuses institutions de la Ville et de la Catalogne. 

Barcelone est devenue un cœur qui bat pour le dialogue. On a vu que ce dialogue répond à la vocation de la ville. Dialogue n’est pas un mot rhétorique. Ici, il est devenu concret. Il n’y a pas que la matière qui est concrète. Parfois l’esprit, qui anime l’histoire comme un courant l’est bien davantage. Nous avons vécu la patience, la fatigue, la satisfaction du dialogue. Le dialogue part de la reconnaissance de l’autre, comme membre de ma famille, même si par bien des aspects il ne me ressemble pas. Je ne veux pas l’éliminer, le tuer, parce qu’il est membre de ma famille, mais chercher à le comprendre en parlant avec lui. Ces journées ont été un atelier de dialogue qui prend dans ses bras les religions, les continents, les peuples, les hommes et les femmes, en partant de la conviction que nous sommes une famille. Est-ce une utopie ? Non, c’est une grande espérance. Mieux encore, une grande vision.

Ces journées renforcent la conviction qu’il est possible de vivre ensemble,  si l’on dialogue. Les institutions internationales ne suffisent pas, si nous ne leur insufflons pas l’esprit de famille qui prend dans ses bras les peuples et les individus. Le sentiment d’une appartenance commune et d’un destin commun s’est éteint dans le cœur des villes et des peuples. Peut-être que le sentiment d’une union des peuples, comme celle de l’Europe, n’est jamais né. Peut-être que le  sentiment diffus d’un destin commun pour le monde entier n’a jamais jailli. Nous croyons que les religions peuvent stimuler la conscience d’un monde comme maison commune des peuples, car, en parlant de Dieu, elles regardent au-delà de la domination qu’exerce le présent, de l’aveuglement provoqué par les choses matérielles. Celui qui croit en Dieu comprend que le chemin que doivent emprunter les êtres vivants est celui d’un seul et grand peuple qui se met en marche vers son destin éternel. N’y aurait-il pas, chers amis, une demande profonde qui monte vers les religions ? Une demande d’orientation pour des existences repliées sur elles-mêmes. Beaucoup de nos sociétés cherchent un but pour leur vie. Bien des crises politiques s’expliquent par le manque d’une mission à laquelle consacrer sa vie. Oui, elles s’expliquent par le vide.

La paix, aspiration et grand bien pour ceux qui vivent en situation de guerre, semble avoir peu de valeur pour ceux qui en jouissent déjà, comme nous, européens. Or vivre en paix est une ressource décisive pour accomplir une mission. La paix est une richesse à faire fructifier dans un monde trop marqué par les guerres, les conflits, la pauvreté. On ne peut pas laisser la paix dépérir dans un monde sans rêves ni visions. La paix ne peut pas dépérir dans les coffres-forts des avares ou des myopes. Au cours de la première décennie de ce  nouveau siècle, nous avons connu le gaspillage de la paix sous diverses formes de violence, telles que la brutalité du terrorisme, les guerres, la faible lutte contre la pauvreté. Aujourd’hui, au cœur du XXIe siècle, il faut inaugurer une nouvelle décennie de paix, de compréhension plus radicale entre les peuples, d’engagement à réduire la pauvreté. Des agendas bien organisés ne suffisent pas pour réaliser ce programme ambitieux. Il faut de l’esprit, créateur d’espérance.

Nous achevons ces journées à  Barcelone avec une grande espérance : nous sommes toujours plus convaincus que le dialogue est le précieux outil pour construire un monde meilleur, pour donner la paix, pour vivre en paix. Nous avons l’espérance qu’avec  la force faible de la foi, il est possible d’orienter notre siècle vers un temps de paix : paix dans la vie des peuples, entre les  peuples, et dans le cœur des hommes.