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Lluis Maria Martinez Sistach

Cardinal, Archevêque de Barcelone, Espagne
 biographie

Nous célébrons un moment très important de cette rencontre internationale pour la paix, organisée par la Communauté de Sant'Egidio, qui se tient chaque année pour garder vivant l'esprit d'Assise, tel qu’il a été inauguré par le pape Jean-Paul II avec les responsables des principales religions du monde.

Nous nous sommes rassemblés au nom du Seigneur pour prier, pour Lui demander avec foi et persévérance d'accorder à notre monde la paix authentique. Nous savons bien néanmoins que parler du monde signifie parler de l'humanité, c'est-à-dire de nous tous, hommes et femmes, qui avons reçu du Seigneur Jésus la tâche d'être des artisans de paix. C’est pourquoi nous Lui demandons de remplir nos cœurs du don de sa paix. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons être des semeurs de cette paix fondée sur l'amour et la justice au milieu de ce monde qui observe, impassible, l'horreur des camps de concentration comme Dachau, qui se souvient avec consternation du dixième anniversaire de l'attaque contre les tours jumelles et qui souffre des graves conséquences la crise économique actuelle.
Le passage de la Lettre aux Romains nous parle de la paix et nous donne les principes les plus solides sur lesquels bâtir la paix en tout lieu et en tout temps. Dans cette lettre, l'apôtre fait référence aux problèmes qui agitaient la vie de la communauté chrétienne. Certains concernaient la vie quotidienne de ses membres. La communauté de Rome était formée de chrétiens de différentes origines et, sans aller jusqu’à ce point de précision qui consiste à identifier les « forts » aux chrétiens issus de la gentilité et les « faibles » aux chrétiens d'origine juive, nous pouvons supposer que les problèmes devaient concerner certaines prescriptions judaïques, que les « faibles » considéraient contraignantes pour tous les chrétiens, tandis que les « forts » les considéraient surmontées dans le Christ.
Le passage que nous avons écouté possède un riche contenu moral, celui d'une morale évangélique, enracinée dans la Bonne Nouvelle de Jésus. En écoutant ces exhortations pauliniennes, nous pensons au contenu central du Discours sur la Montagne : ne pas rendre le mal pour le mal, ne pas se faire justice soi-même, aimer ses ennemis et faire leur bien, ne pas se laisser vaincre par le mal, mais vaincre le mal par le bien. Saint Paul va en profondeur et exige de nous ce comportement, nous qui, par le baptême, nous sommes unis à Lui dans sa mort et sa résurrection et, ayant revêtu le Christ, nous devons l'imiter en vivant dans le monde comme lui, en faisant toujours le bien.

Les quatre chapitres d'exhortations de la lettre aux Romains insistent à plusieurs reprises sur le principe de la paix véritable, c'est-à-dire sur le nouveau commandement de l'amour fraternel que le Seigneur nous a laissé. L’apôtre met cet amour en relation avec les prescriptions de la morale privée. La charité reprend l’indispensable multiplicité des normes morales en les élevant vers une attitude plus noble : à partir de sa joyeuse liberté intérieure, celui qui aime réalise tout pour l’autre et bien davantage que ce que toute prescription exige. Les fidèles du Christ, qu’ils soient d’origine juive ou gentils, doivent être unis dans la charité et l’entraide. Ce sont là les racines du principe de la paix qui sont au cœur même de nos communautés et de nos sociétés.

Le message évangélique, qui concerne les préoccupations et les aspirations les plus profondes du genre humain, brille de nos jours avec une clarté nouvelle, en proclamant bienheureux les artisans de paix, « car ils seront appelés fils de Dieu » (Mt 5, 9). Cette béatitude nous stimule dans ce travail que le Seigneur nous confie et que nous, membres de différentes religions et de différents peuples du monde, nous réalisons ensemble ces jours-ci. Nous sommes heureux car, en travaillant pour la paix, nous serons appelés Fils de Dieu.

La paix terrestre, qui naît de l’amour envers les amis et les ennemis, est l'image et l’effet de la paix du Christ, qui procède de Dieu le Père. En effet, à travers sa croix, le Fils incarné, le Prince de la Paix a réconcilié tous les hommes avec Dieu. En restituant l’unité de tous en un seul corps, il a tué dans sa chair la haine. Elevé par sa résurrection, il a répandu l’Esprit de charité dans le cœur des hommes.

Chers frères et sœurs, réunis au nom du Seigneur, Il est ici au milieu de nous et nous Lui demandons avec confiance le don de la paix qu’Il a obtenu par sa mort et sa résurrection. Jésus nous a dit : « Demandez et vous obtiendrez ». Demandons et suivons l’exhortation de l’apôtre, car la paix est don et conquête. Nous devons l’implorer et nous devons la construire. Il faut l’offrir aux frères et la recevoir d’eux, comme nous le ferons avec un geste symbolique ici, nous tous qui croyons dans le Christ, et sur la place, avec tous les autres frères.
Ce sera l’occasion de témoigner à nouveau que les religions favorisent la paix dans le monde comme expression de l’amour de Dieu pour l’humanité.