Deel Op

Henri Teissier

Catholic Archbishop, Algeria
 biografie

 Le 4 février 2019 le Grand Imam d’El Azhar, Ahmad AL-TAYYEB et le pape François faisait à Abou Dhabi, une déclaration commune intitulé : « La fraternité humaine et la coexistence commune ». Ce document reprenait, en introduction, une phrase du livre saint de l’Islam « Quiconque tue une personne est comme s’il avait tué toute l’humanité et quiconque en sauve une c’est comme s’il avait sauvé l’humanité entière. » (Coran V,32). Et un autre verset du même livre saint aurait pu aussi être cité sur notre thème : « Tenez tous fermement la corde de Dieu et ne vous divisez pas. Vous étiez des ennemis et il a établi la concorde entre vos cœurs, au point que, par sa grâce, vous deveniez des frères » (Coran, III,103).

 
Dans le même sens Jésus disait à ses disciples : «Pour vous, ne vous faites pas appeler Rabbi, car vous n’avez qu’un seul Maître et vous êtes tous frères. » Et on connait aussi, dans le Nouveau Testament, les appels de saint Jean : « Nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie, parce que nous aimons nos frères... Quiconque hait son frère est un homicide » (1 Jean 3,14-15). Ces déclarations fortes des deux livres saints de l’islam et du christianisme viennent ainsi condamner les violences qui ont marqué l’histoire de l’humanité, depuis ses origines, comme le symbolisait le geste de Cain tuant son frère Abel, ou les frères de Joseph abandonnant  leur frère, dans une citerne vide, pour qu’il y meure.         
 
Ainsi les deux responsables religieux rassemblés à Abu Dhabbi, en février dernier, l’un venant de l’université musulmane d’Al Azhar et l’autre représentant l’Eglise catholique, dans leur déclaration commune, se montraient bien les interprètes fidèles du message de leurs deux communautés, en nous appelant à vivre et à promouvoir la fraternité, avec tout être humain. Une confrérie religieuse musulmane, Aisa International, vient d’ailleurs d’obtenir des Nations  Unies, le 8 décembre 2018, que soit célébrée chaque année, dans le monde entier, une « Journée internationale du Vivre ensemble », ce qui est une autre manière d’inviter les nations et les hommes de ce temps à partager la « fraternité humaine ». Dans le même sens, Il y a trois mois, une Rencontre internationale des maires, à Dusseldorf, en Allemagne proclamait d’ailleurs le même message.
 
Les évolutions des techniques de communication, notamment dans ces dernières années, ont permis, désormais, à tous les êtres humains de connaître la vie et les épreuves des autres peuples. Ainsi nul ne peut rester indifférent aux injustices ou aux catastrophes naturelles qui atteignent nos frères et nos soeurs en humanité. Et la réalité de cette fraternité, dans l’espèce humaine, est d’ailleurs mise en évidence aujourd’hui où les progrès de la médecine nous permettent de découvrir qu’il n’y a pas sur la planète de « races humaines » qui seraient différentes les unes des autres. Malgré les milliers de kilomètres qui nous séparent, et la diversité des cultures et des langues, nous avons maintenant découvert que le corps humain et le cerveau humain dont nous héritons, par naissance, est le même dans les cinq continents et nous donne les mêmes chances de croître ensemble dans « la fraternité humaine ».
 
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, depuis la dernière guerre mondiale ( 1945), les nations de la terre ont décidé de se donner une organisation internationale commune, cellle des Nations Unis, qui a pour mission de servir la paix et la justice fraternelle, ainsi que le respect des droits de toute personne humaine,  dans chaque pays et entre toutes les nations. La décision de la rencontre qui nous rassemble, à l’initiative de la communauté Sant Egidio, et nous propose une méditation commune sur « la fraternité humaine », est donc un message à partager avec tous les peuples et particulièrement avec toutes les traditions religieuses de la planète.
 
De la sagesse des peuples de l’Asie nous vient d’ailleurs, aussi, ce même appel à promouvoir entre nous la fraternité humaine pour laquelle nous sommes ensemble dans cette rencontre. Un enseignement des Upanishads nous dit ceci : « L’un est un proche parent, l’autre un étranger, mais le monde est une seule famille ». Cette phrase des Upanischad «  Vasudhaiva Kutumbakam » « le monde est une seule famille », est d’ailleurs inscrite aussi au fronton du parlement indien. Elle pourrait être aussi choisie comme devise par les Nation Unies.
 
Mais pour les trois traditions abrahamiques, le judaïsme, l’islam et le christianisme cette fraternité humaine est aussi en relation avec la situation particulière de l’homme dans l’univers. Les trois traditions juive, chrétienne et musulmane, en effet, soulignent la responsabilité particulière de l’être humain sur la Création. La Bible l’exprime, entre autres, au livre de la Genèse par ces paroles : « Soyez féconds…soumettez la terre et dominez sur tous les animaux »( Gen. 1,26). Dans le même sens le Coran présente l’être humain comme le lieutenant de Dieu sur la terre : « Dieu a tout créé pour vous sur la terre…et le Seigneur dit aux anges : je vais mettre sur terre un vicaire…et il enseigna à Adam tous les noms. »(Coran, II,29,30,31.)
 
Pour ces trois traditions, l’être humain est aussi chargé de gérer la création pour le bien de tous. Nous avons ainsi, tous ensemble, la mission d’établir la Paix sur la terre en servant cette réconciliation universelle. Le prophète Jérémie se plaint devant Dieu de l’absence de paix entre les hommes « Ils guérissent superficiellement la plaie de mon peuple en disant : Paix , Paix !  et pourtant il n’est point de paix » Jér.6,14. Dans l’idéal que Jésus donne à ses disciples au Sermon sur la montagne il y a cette béatitude « Heureux ceux qui font œuvre de paix, ils seront appelés « fils de Dieu » (M t.5,6)  En quittant ses disciples Jésus leur dit : « Je vous laisse la paix. C’est ma paix que je vous donne » (Jean, 15,27) et Paul met tout le peuple des disciples dans l’attente de cette paix: « La création en  attente aspire à la révélation des fils de Dieu » (Rom.8,19) Le Coran déclare « Les hommes formaient une seule communauté. C’est alors que Dieu leur envoya des prophètes pour les avertir et les orienter. Il les a dotés de livres de vérité afin de juger sagement leur différents »… (Coran II,213) et le Coran ajoute : « O vous qui croyez entrez massivement dans la paix et ne suivez pas la voie de Satan, car il est un ennemi déclaré… »( Coran II,208).
 
Le dernier livre de la Bible chrétienne donne cette  description de la fin des temps : « La Communauté sainte, la Jérusalem nouvelle, je la vis qui descendait du ciel et j’entendis une voix forte qui disait…Voici la demeure de Dieu avec les hommes. Il demeurera avec eux et ils seront ses peuples et lui sera le Dieu qui est avec eux » (Apoc. 21,1-3).
Le livre saint de l’islam nous ouvre un vision un peu semblable des diversités humaines, mais située comme une volonté de Dieu, dès l’origine des temps : «  Si nous avions voulu nous aurions fait de vous une seule communauté…mais nous avons créé différents pour que vous entre-connaissiez. »(Coran, 49,13) Il  appartient aux  représentants des religions de l’Asie qui sont avec nous à cette rencontre de nous aider à rejoindre ce message dans leur propre tradition et d’en faire l’une des tâches  de leur engagement dans le monde actuel, selon ce que nous dit un propos de sagesse, dans le sud de l’Inde : « Tout village est mon village, tout homme est mon frère » « Yadhum ure, yavarum Kelire ».