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Dominique Quinio

Ehrenvorsitzende von "Semaines Sociales", Frankreich
 biografie

Le titre donné à cette table-ronde me paraît particulièrement pertinent. Oui, la guerre en Ukraine, aux portes de l’Union européenne, est un défi pour cette Union, née des horreurs de la seconde guerre mondiale et de la volonté de quelques hommes de bonne volonté d’aller vers la réconciliation, la paix et la construction d’un avenir commun. Elle  se trouve confrontée, cette Europe,  à une guerre cruelle, toute proche, provoquée par le président russe, Vladimir Poutine, qui rejette ses modes de vie, ses principes démocratiques et les voient comme une menace. L’UE est un projet de paix, réaffirmé depuis la chute du mur de Berlin : on espérait  pouvoir enfin profiter des dividendes de la paix. L’Europe s’est alors concentrée sur son potentiel économique, sur le marché qu’elle représente. La guerre en Ukraine est un cruel rappel à l’ordre, un appel à plus de lucidité par rapport aux évolutions du monde.

Cette Europe, il est vrai,  n’a pas tenu toutes ses promesses ; elle n’a pas su garder vivante la flamme de ses débuts chez les nouvelles générations, (hormis peut-être chez ceux qui sont proches de ses frontières et ont davantage conscience de leur fragilité. L’argument de la paix n’était plus suffisamment convaincant, chez les jeunes Français en tout cas, tant les conflits semblaient lointains – et ce malgré l’irruption du terrorisme et de sa violence.  La sécurité à laquelle ils aspiraient n’était pas contre un ennemi potentiel, mais pour davantage de justice sociale, de lutte contre les inégalités, de bien être matériel, de prise en compte de la crise climatique. Certains dans nos pays ont même été tentés de rejeter le projet européen, de se tourner vers des politiques populistes, nationalistes. En outre, on a pu observer des fractures entre pays de l’Est et pays de l’Ouest, une méconnaissance réciproque, des enjeux différents, par exemple sur la question de l’immigration ou sur l’évolution des mœurs.

Les lourdes conséquences de la guerre

Conséquences tragiques pour les Ukrainiens, d’abord, les hommes, les femmes, les enfants, et leur territoire dévasté. Il y a les crimes de guerre et la nécessité de les documenter et de les juger. Mais, lourdes pour la Russie aussi. Qui sera vainqueur ? ll n’y a jamais de véritable victoire (on l’a vu avec tous les conflits dans lesquels se sont lancées les grandes puissances, les Etats Unis en Irak ou en Afghanistan ou même les opérations extérieures de la France en Afrique, au Mali… Et s’il y a défaite, les peuples et leurs dirigeants, humiliés, sont dans un désir de revanche. Difficile de savoir ce qui va naître d’un tel chaos, si la fin d’une guerre ne s’accompagne pas d’une solution politique viable et juste.

Même si la crise énergétique oblige à adopter des comportements d’économie absolument nécessaires, et au final vertueux pour la planète, il y  a aussi dans l’immédiat l’utilisation de centrales à charbon, la relance du nucléaire… Et sur le territoire dévasté par la guerre, des dégâts environnementaux considérables.

La montée en puissance du militaire, nécessaire pour aider l’Ukraine, est un tournant. Les budgets sont en hausse partout : + 23% pour le budget français, le sixième dans le monde,  sur 5 ans, pour arriver à 2% du PIB.  Les orientations stratégiques ne sont pas toujours claires et répondent aux pressions des autorités militaires demandeuses de moyens et des producteurs-vendeurs d’armes. Dans cette guerre,  on a aussi mesuré à nouveau  la menace du nucléaire militaire. La doctrine de la dissuasion, défendue durant la guerre froide, ne suffit plus ; il existe des armes nucléaires de moindre intensité mais terriblement dangereuses, comme des armes chimiques terribles. Là aussi c’est un défi pour la France, seule dans l’Union (avec la Grande Bretagne en Europe) à détenir cette arme nucléaire. Mais d’autres pays sont sous le parapluie de l’Otan et abritent ces armes sur leur sol. A l’avenir, il convient de mieux discerner les attentes des pays les plus proches de la Russie et des pays dits « neutres » ( Autriche, Malte, Chypre, Irlande… )

Où en sont les différents traités de réduction des armes conventionnelles, chimiques, nucléaires ? Difficile de faire entendre ces questions en un moment où il y a volonté d’aider un peuple menacé dans sa souveraineté. Pourtant cette réflexion ne doit pas s’arrêter. Au contraire, ce que vivent les Ukrainiens tout près de nous doit nous inciter à penser que la guerre n’est jamais la solution et que tout doit être fait pour l’éviter.

Est-ce que le contexte de la guerre pourra redonner du souffle à l’Union ?

Oui, il s’est passé des choses positives depuis le début de la guerre (comme d’ailleurs autour de la pandémie) : assez rapidement, l’Union s’est rassemblée pour décider des sanctions économiques contre la Russie, pour l’accueil des réfugiés, pour le soutien militaire à l’Ukraine, pour le partage des ressources gazières, même si en France par exemple, des voix se sont fait entendre pour déplorer qu’on partage nos réserves, alors que plane un risque de pénurie! Et ce ne fut pas la seule affaire des dirigeants politiques : l’accueil des réfugiés ukrainiens s’est fait très rapidement et dans des conditions remarquables ; certains Etats, comme les pays frontaliers ou l’Allemagne, se sont particulièrement mobilisés. 

 

Défense et diplomatie sont certes des prérogatives nationales, mais peut-on aller vers une diplomatie européenne, vers une défense européenne ? Depuis 1990, l’UE  a des compétences accrues en ces domaines. La crise actuelle doit nous rendre moins crispés sur nous-mêmes, nos intérêts propres, plus attentifs aux pays proches de la Russie et à l’appel des Etats désirant rejoindre l’Union ? Un élargissement, on le sait,  n’est pas aisé, et peut demander du temps, trop de temps pour les pays demandeurs…

Il est absolument nécessaire que l’Europe parle d’une voix affirmée et distincte, y compris par rapport à celle des Etats-Unis ;  la promesse du bouclier de l’Otan ne doit pas conduire à étouffer les différences d’approche. Même si on peut entendre des nuances dans les positions européennes : les paroles du pape François en faveur de la recherche d’une solution diplomatique n’ont pas toujours été comprises, ni les échanges téléphoniques du président français avec  Vladimir Poutine. Les divergences ne doivent pas faire peur, il faut apprendre à les affronter, à en débattre pour aboutir à des consensus.

Qu’en pensent les peuples européens ? En Juin dernier, le think tank Conseil européen pour les relations internationales (ECFR)  a fait un sondage auprès de 8 000 citoyens de neuf pays de l’UE et du Royaume uni : les réponses se sont partagées entre ceux, 35% du pannel, désireux de chercher une solution diplomatique rapide quitte à accepter des concessions ( présents particulièrement en Allemagne et en Italie),  ceux qui ne veulent rien céder, au rang desquels, sans surprise, les Polonais, et ceux qui oscillent entre les deux positions mais sont inquiets des effets de la guerre sur leur pays (énergie, inflation…). Parfois, ils reprochent à leur gouvernement, d’en faire trop en faveur des Ukrainiens. « La résilience des démocraties européennes va dépendre de la capacité des gouvernements à conserver le soutien des populations pour des mesures potentiellement coûteuses », analysent les auteurs de l’enquête. Dans la durée.

Cette voix singulière de l’Europe doit favoriser l’idée du multilatéralisme qui a beaucoup pâti de la présidence Trump aux Etats Unis et des blocages au Conseil de sécurité de l’ONU.  Cela pose des questions particulières à la France : doit-on aller vers un siège européen au Conseil de sécurité?  Le président français a signifié que les règles devaient changer mais s’est bien gardé d’aller jusque là. Notre monde se fragmente, la guerre se fait « en morceaux », comme le dit le pape François, et parfois par « procuration » sur des terrains où les grandes puissances ne vont pas mais où elles jouent néanmoins un rôle majeur ;  les pouvoirs autoritaires s’affirment, en Russie, en Chine, en Iran…  Les valeurs de la démocratie ou les droits humains y sont bafoués. Dans ce monde, plus que jamais, est nécessaire, « une autorité publique de compétence universelle», selon les mots du pape Jean XXIII (Pacem in terris, en 1963). L’Europe doit y contribuer.

Mais pour que sa voix porte, pour qu’elle soit crédible, il lui faut incarner les valeurs qu’elle défend, en être digne. Ces valeurs sont nées dans un terreau chrétien ; aujourd’hui, l’Europe est largement multiculturelle et ce doit être son message présent : il est possible, malgré les différences de culture, de pensée, de religion, de spiritualité, de vivre ensemble dans la paix, « tous frères ». 

 



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24 Oktober 2022 | dauer: 00

FORUM 5 - WAR CHALLENGES THE FUTURE OF EUROPE. FULL VIDEO

Dominique QUINIO à #thecryforpeace:
Forum 5 - La guerra sfida il futuro dell'Europa
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