23 Oktober 2022 17:00 |

Haïm Korsia à #thecryforpeace



Deel Op

Haim Korsia

Opperrabbijn van Frankrijk
 biografie

Mes chers amis, de là où je me trouve, lorsque je nous vois toutes et tous, j'entends l'écho du psaume 133 : Qu'il est bon et agréable que les frères – ajoutons et les sœurs – résident ensemble. Cette diversité est extraordinaire, elle est à l'image des discours incroyables que nous venons d'entendre. Cher monsieur le Président de la République italienne, je voulais vous remercier de ce que vous avez proposé comme espérance, par-delà le fait de lire un ouvrage remarquable que j'ai pu commettre il y a quelques années. Et puis, cher monsieur le Président de la République française, je vous remercie d'avoir pris systématiquement toutes les idées que je comptais développer, de façon à dire quelque chose de très profond avec vos mots et avec cette cavalcade de pensée et de force qui vous amène à considérer qu’il faut se méfier d'une paix dans laquelle nous nous installerions.

Parce qu'il nous faut entendre ce que dit le roi David dans les Psaumes : Demandez la paix pour Jérusalem. Pourquoi demander la paix et ne pas vivre en paix ? Parce que la paix est toujours une espérance. C'est un horizon, une recherche constante, un appel. Être en paix, c'est prendre le risque de ne plus rien faire, de ne plus bouger. D'ailleurs la Bible précise qu'on ne souhaite jamais à quelqu'un : « va dans la paix », parce que ça échoue toujours, comme pour Absalom, le fils de David. Non, on souhaite à quelqu'un d'aller « vers la paix », comme on l'a souhaité à David. Et d'ailleurs, en français, la langue la plus précise au monde juste devant l'italien, nous savons que lorsque nous reposons en paix, en général c'est définitif. Même si mon ami l'archevêque de Paris, Laurent Ulrich, que je vois devant moi, et tous les chrétiens de la salle considèrent qu'on peut se réveiller trois jours après ! Il n'empêche qu'en général, c'est plutôt définitif. Donc reposer en paix, être dans la paix, c'est dangereux. Et j'ai aimé, cher monsieur le Président ,cette idée de confrontation permanente qui nous permet de trouver des équilibres. La paix est donc dynamique, car elle n'est pas juste l'absence de guerre. C'est la complémentarité, la plénitude, l'intégrité. Tout ce que dit le mot Shalom, en hébreu, c'est la joie et le bonheur partagé.

De plus lorsque Dieu dit, toujours dans les Psaumes, je suis Shalom, je suis la paix, et qui me la demande ? Que disons-nous d'autre, que la paix doit être un cri permanent ? L'écho du tableau d'Edvard Munch exposé en ce moment même à Paris, pour mettre fin à l'angoisse de la guerre. C'est cette harmonie du mouvement qui s'appelle la paix, une sorte d'équilibre des espérances des uns et des autres, un chemin de crête au-dessus des haines, des rancunes et des rancœurs. Dans les maximes des Pères, Hillel l'ancien nous supplie d'être des disciples d'Aaron, frère de Moïse. Car ceux-ci aiment la paix, recherchent la paix et rapprochent toutes les créatures de Dieu. C'est d'ailleurs la très exacte définition de Sant’Egidio. Et si le Talmud a assuré l'immortalité d’Hillel l'ancien et de sa définition, notre monde moderne assure l'immortalité des idées et des concepts, et celui de la paix en particulier à travers le prix Nobel de la paix. Et ce serait l'honneur de tous les cultes, l'honneur de chacun et chacune, de tous les amoureux de la paix, que de voir ce prix Nobel décerné un jour proche à cette communauté si humaniste et si universelle, à travers peut-être la personnalité du professeur Andrea Riccardi.

Parce qu'au fond mes chers amis, revenons à ce qui est essentiel. Ce que nous partageons dans toutes nos religions, même si vous me permettrez de le mettre non pas dans la bouche d'un rabbin mais dans la bouche de Saint-Bernard de Clairvaux : la plus belle des prières sera l'œuvre de nos mains. Et la paix, il faut la construire. C'est ce que dit Isaïe dans le chapitre 2 au verset 4 : de leurs glaives, ils forgeront des socs, de leurs lances des faucilles ; une nation ne tirera plus l'épée contre une autre.

En attendant, crier pour la paix, c'est aussi, par exemple, avoir le courage de tout quitter pour témoigner, comme l’a fait avec énormément de courage, le grand rabbin Pinchas Goldschmidt, président de la Conférence des Rabbins européens, osant comme Abraham quitter son poste à Moscou, son pays, sa quiétude, pour témoigner de son espérance d'une paix juste et pour ne pas cautionner une guerre inique. Mon ami le recteur de la mosquée de Paris, et en fait toutes les religions, savent bien que la seule guerre à mener est celle contre nos pulsions guerrières, y compris nos pulsions interpersonnelles. D'où cette idée incroyable que développait notre président sur le fait que, oui, on peut parler des guerres dans le monde, des guerres en Europe, mais il y a des guerres en nous, dans nos sociétés, entre les uns et les autres, dans les familles, en nous-mêmes. D'ailleurs, notons que, je le dis devant le ministre de l'Intérieur, que les policiers en France, eux qui sont armés, sont appelés les « gardiens de la paix ». Et madame la ministre des Affaires étrangères, nous avons des soldats qui sont les « soldats de la paix », avec la force légitime que leur confère l'Etat, ils vont établir la paix partout dans le monde, au nom de la France, au nom des Droits de l'homme, au nom de l'ONU, au nom de toutes les missions qui sont celles que la France assume.

Fasse l'Eternel que nos cris de paix recouvrent le fracas des armes en Ukraine et partout dans le monde ; en nos cœurs et en nos esprits. Que le bruit des armes et les larmes se transforment en rires de reconstruction et de l'espérance partagée. Car il est un temps pour bâtir parce qu'il y avait un temps pour détruire. Il est un temps pour la guerre et il y aura un temps pour la paix. Avec Apollinaire, laissez-moi conclure, lui qui est mort des suites de la Première Guerre mondiale : Jamais les crépuscules ne vaincront les aurores. Etonnons-nous des soirs, mais vivons les matins. Voici l'espérance que je voulais partager avec vous.