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Jean-Arnold de Clermont

Pasteur de l’Eglise Réformée, France
 biographie
Au moment où j’écrivais  ces lignes d’introduction au débat que nous aurons tout à l’heure, en plein mois d’août, les centaines de morts et les dizaines d’Eglises brûlées en Egypte faisaient la première page des journaux ; ayant chassé des priorités de l’information la guerre civile en Syrie, et bien d’autres conflits non moins inquiétants.  Je relisais l’encyclique Pacem in terris et ma première surprise fut de constater qu’elle ne comporte pas un mot sur la guerre. Elle est structurée en cinq grandes parties, outre une brève introduction ; l’ordre entre les êtres humains, les rapports entre les hommes et les pouvoirs publics au sein de chaque communauté politique ; les rapports entre les communautés politiques ; les rapports des individus et des communautés politiques avec la communauté mondiale et, pour terminer, des directives pastorales. Donc pas un mot sur la guerre !
Deuxième remarque ; je venais d’entendre l’Evangile du dimanche 18 août, dans l’Evangile de Luc au chapitre 12, vt.51 : ‘Pensez-vous que je sois venu apporter la paix sur la terre ? Non, je vous le dis, mais la division !’ Et j’attendais une méditation biblique qui croiserait ce texte avec bien d’autres, tel celui de l’Evangile de Jean 14, vt.27 : ‘C’est la paix que je vous laisse, c’est ma paix que je vous donne. Je ne vous la donne pas à la manière du monde…’. Or, sur le plan biblique, si les directives pastorales citent effectivement l’épitre aux Ephésiens 2, vt 17 (‘Il est venu proclamer la paix, paix pour vous qui étiez loin et paix pour ceux qui étaient proches’) et l’Evangile de Jean (le texte que je viens de citer plus haut), si l’introduction cite des Psaumes et la Genèse pour évoquer l’ordre de l’univers établi par Dieu, la Bible reste absente de la plus grande partie du texte.
 
Et pourtant, malgré ces deux remarques – absence de réflexion biblique qui, pour le protestant que je suis, est assez négative ; et titre apparemment trompeur puisqu’il est question de paix sans rapport avec les guerres qui, aujourd’hui comme hier, nous empêchent de dormir – je voudrais dire pourquoi ce texte aujourd’hui comme il y a cinquante ans est un texte essentiel, fondateur d’une réflexion en profondeur sur la paix pour tous.
Pour tenir dans les dix minutes qui nous sont offertes, je ne ferai que deux remarques :
 
La première pour souligner que pour l’encyclique Pacem in terris ce sont les rapports entre les individus, entre les individus et la communauté politique nationale, entre communautés politiques elles-mêmes … qui, non seulement sont analysés et évalués, notamment dans les progrès effectués depuis quelques années, mais qui sont affirmés comme les fondements de la construction de la paix.  Je vais à l’essentiel : la paix dépend de vous et de moi dans nos rapports les uns avec les autres, et avec les communautés politiques aux quelles nous appartenons ! La paix n’est pas l’affaire des autres ; elle est mon affaire…
 
Et sur quoi est-elle fondée ? C’est ma deuxième remarque pour souligner le caractère fondateur de l’encyclique Pacem in terris.
Nos rapports les uns avec les autres et entre communautés, pour être initiateurs de paix, doivent être fondés dans la vérité, la justice, la liberté. Bla…bla…bla…penserez-vous ! Et bien non : de manière extrêmement concrète, l’encyclique aborde les questions de racisme, de dominations injustes, d’informations infondées ; elle prend en compte la situation des minorités, des réfugiés politiques, du désarmement (seuls paragraphes faisant allusion à la guerre !) ; elle traite de la solidarité et des échanges entre communautés politiques ; elle aborde la question de la promotion des pays en voie de développement sous l’angle de la défense de la liberté. Là encore, allons à l’essentiel : c’est dans le quotidien et la multiplicité des relations entres individus et communautés politiques que se construit la paix plus encore qu’en tout lieu tardif de négociation quand la guerre a éclaté ou dans l’équilibre de la terreur.
 
Et si nous appliquions cela ? Accepterions-nous le traitement déshumanisant du dossier des migrations par l’Europe ? Accepterions-nous que sous couvert de sa désorganisation politique dramatique la Grande Ile de Madagascar soit mise en coupe réglée par les pays qui la spolient de ses terres et de ses richesses ? Accepterions-nous le non respect des décisions internationales en Israël/Palestine et la colonisation croissante des terres palestiniennes ? Accepterions-nous de rester insensibles à la montée chez nous des extrémismes et des nationalismes ? 
 
L’encyclique disait aux individus comme aux pouvoirs publics, votre raison d’être est de participer à la réalisation du bien commun dont la paix est une dimension précieuse… En un mot, aujourd’hui, vous qui nous écoutez : Y êtes-vous prêts ?