Deel Op

Michel Santier

Katholiek bisschop, Frankrijk
 biografie

Ce samedi soir, tandis que nos frères aînés dans la foi priaient à la Synagogue de Créteil, près de Paris en France, je présidais la célébration de la confirmation de 43 jeunes lycéens, vous vous diriez la bar mitsva.
Ce qui m’a ému, c’est qu’au moment du refrain du psaume, lors de notre table ronde de cet après-midi, en réponse à la lecture du livre de la Sagesse, tout le peuple réuni a chanté :

Shema Israël adonai Eloheinu, adonai ehad  (Ecoute Israël le Seigneur est notre Dieu, le Seigneur est Un) Dt 6, 4

C’est la confession de la foi du peuple élu, votre confession de foi, vous nous avez transmis cette révélation, cette confession de foi au Dieu
Unique, qui est sans cesse une invitation à quitter les idoles pour se tourner vers le Dieu Vivant.
Comme évêque de Créteil, tous les jours dans cette ville de 95 000 habitants, où le tiers de la ville est une population juive, je croise tous les jours des amis juifs. Avec le Grand Rabbin Senior et le président du consistoire Monsieur El Harrar, nous avons petit à petit créé des relations de confiance et d’amitié.

C’est d’ailleurs lors de la rencontre de la Communauté Sant’Egidio à Barcelone que tout a commencé. La Communauté, pour faciliter les liens, m’avait invité à la table avec le secrétaire général du Grand Rabbinat de France, le repas était délicieux car nos amis juifs sont pleins d’humour et aiment raconter des histoires. Jésus lui-même s’en est inspiré. J’ai posé une question au Rabbin Moshe : « Pouvez-vous m’aider à entrer en contact avec le Grand Rabbin Senior de Créteil ? » Quelques jours après la rencontre de Barcelone, il a pris contact avec le Grand Rabbin Senior et celui-ci m’a appelé, je me suis déplacé à la grande Synagogue, et nous avons échangé durant deux heures ; depuis nous nous sommes rencontrés régulièrement, soit à l’évêché, soit à la synagogue.

1)    La nouvelle frontière du dialogue judéo-chrétien c’est la rencontre, le désir de se connaître toujours plus afin que, comme croyants à un Dieu unique, nous devenions des amis.
Au nom de la Conférence des évêques de France je co-préside, avec le Président de la Fédération protestante de France et un prêtre orthodoxe enseignant à l’Institut Saint Serge, le comité de révision de la Traduction œcuménique de la Bible en français. Pour cette nouvelle traduction, nous commençons par le livre d’Osée et la lettre de Paul aux Galates. La traduction du prophète et les notes sont travaillées par un binôme catholique, protestant ou orthodoxe, mais comme nouvelles frontières, nous avons demandé à un Rabbin de faire des remarques sur ces traductions, introduction et notes. Car comme chrétiens nous ne pouvons plus lire et interpréter ce que nous appelons l’Ancien Testament – la Torah, les prophètes et les écrits – sans tenir compte de la tradition juive, de même pour les Evangiles.

2)    Il est possible de se mettre ensemble pour rencontrer les jeunes et répondre à leurs interrogations sur la foi en Dieu.
Nous vivons en Europe dans un monde sécularisé qui réduit la foi à une conviction intime sans conséquences sur la société. Ce qui laisse les jeunes devant un grand vide, ils ont du mal à trouver des réponses à leurs interrogations sur le sens de la vie éternelle. Qu’ils soient juifs, chrétiens, musulmans, les jeunes se posent les mêmes questions.
C’est ainsi que dans le Val-de-Marne, le grand Rabbin, l’Imam et l’Evêque, nous allons rencontrer, dans les établissements d’enseignement catholique, les jeunes, qui sont très touchés et très intéressés et nous sommes de plus en plus demandés ; des contacts sont pris aussi avec des établissements d’enseignement public et avec une médiathèque.
Ces rencontres sont une nouvelle frontière de nos relations mutuelles, car elles contribuent à la construction de la paix parmi les jeunes : les établissements de l’enseignement catholique sous contrat accueillent tous les jeunes, qu’ils soient juifs, chrétiens ou musulmans, et cela contribue à la lutte contre l’antisémitisme.

Enfin, dans une ville comme Créteil, du fait de la demande d’un musulman, Alseny, animateur au Secours Catholique, que j’avais connu en pèlerinage en Israël-Palestine (Terre Sainte) et qui m’a demandé de bénir son mariage avec une catholique, nous avons avancé vers une nouvelle frontière, car Alseny avait demandé à un de ses amis juifs de lire la première lecture de la loi, la Torah : L’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme et tous deux ne feront qu’un.  Gn 2.

Cet événement est à l’origine de la création d’une « Maison de la rencontre et du dialogue » sur la ville entre juifs, chrétiens et musulmans.
Nous voyons que l’Esprit de Dieu travaille au cœur de ce monde, malgré les conflits, et qu’il nous conduit sur des chemins imprévus vers de nouvelles frontières du dialogue et de la rencontre. Ce n’est qu’un commencement, n’ayons pas peur d’avancer au large en eau profonde, car l’amour de la foi, de la Torah, de la Parole qui est chevillé à nos corps fera son œuvre en nous, car elle est toujours vivante.
 

+ Michel Santier
Evêque de Créteil